Pérou : Quel rôle pour les ONG et pour la coopération internationale dans le Pérou d’aujourd’hui ?

05.2017 – Réflexions et discussions avec Molvina Zeballos, Directrice de Desco, un des partenaires terrain de GeTM au Pérou depuis 2008.

Ayant soutenu divers projets au Pérou durant les dernières décennies, GeTM a été témoin d’évolutions et de dégradations cycliques, tant au niveau socioéconomique que politique, qui ont eu des répercussions sur les possibilités de la société civile à proposer des changements durables. Concrètement, les efforts de GeTM et de ses partenaires pour soutenir les processus de décentralisation et le renforcement des collectivités locales, se sont vus souvent entravés par le manque de volonté politique, par les pressions des groupes d’intérêts économiques, par le pouvoir disproportionné des entreprises d’exploitation minière, et dernièrement par une corruption souterraine orchestrée par des acteurs de l’ombre qui survivent aux changements d’autorités. Quelle place alors pour la coopération internationale dans ce contexte ? Quel rôle pour les ONG locales de développement aujourd’hui ? Nous avons abordé ces questions avec Molvina Zeballos, Directrice de Desco, l’un de nos partenaires au Pérou, lors de son récent passage à Genève.

Molvina Zeballos voit les ONG comme des acteurs de surveillance citoyenne face aux politiques publiques et face aux dérapages du secteur privé, notamment ceux de l’industrie minière extractive. Leur rôle est de renforcer la société civile en lui donnant des outils méthodologiques et en renforçant leur capacité d’analyse et de proposition : la société civile pourra ainsi exercer efficacement son droit de veille et pourra légitimement rappeler à l’État ses responsabilités face aux exclus et aux marginalisés, en revendiquant sa présence active dans les régions où il est actuellement absent.

Plus que jamais, les ONG doivent veiller à réduire les inégalités, surtout quand celles-ci sont les causes d’oppressions. L’une des questions prioritaires est sans doute la question des peuples autochtones et des populations paysannes. Il faut se mobiliser pour que ces groupes puissent avoir un accès réel et effectif aux droits économiques, sociaux et culturels. C’est dans cette optique que nous travaillons ensemble dans le cadre du projet d’appui aux éleveurs de lamas et d’alpagas de la région de Caylloma. Il s’agit de désenclaver les communautés rurales isolées pour les intégrer à des circuits productifs et économiques. Les ONG ont les compétences nécessaires pour aider à la construction de politiques publiques pertinentes et plus justes, qu’elles soient locales, régionales ou nationales.

Les ONG sont devenues également une force de proposition en matière environnementale et énergétique parce qu’elles ont les compétences pour articuler les questions sociales, économiques et environnementales, en proposant des alternatives durables aux approches purement techniques ou économiques. Elles peuvent proposer des politiques publiques en la matière. La question du changement climatique est aujourd’hui incontournable, car les effets sont visibles quotidiennement et dans tout le territoire du pays. Face à l’impossibilité de contrôler le climat, les ONG peuvent préparer les populations à prévenir les risques et à réduire leur vulnérabilité face à ces changements inattendus.

Finalement, Molvina Zeballos remarque que la lutte contre les inégalités ne peut répondre à des approches sectorielles. Elle doit s’inscrire dans une approche globale qui tient compte des complexités dans son ensemble, que ce soit par rapport au contexte sociopolitique ou aux dynamiques socioculturelles.

Propos recueillis par Alejandro Mackinnon, Secrétaire Général